Questions pour les élèves : Selon vous, qu’est-ce qui peut pousser les journalistes à donner de mauvaises informations ?

Les nouveaux chiens de garde, un documentaire qui pointe certaines dérives des médias français.

Diffusion de propagandes extrémistes, abus de stéréotypes, préférence pour une information simplifiée ou excès de sensationnalisme, les médias se voient souvent reprocher un certain nombre de dérives qui conduisent à la désinformation et à la « malinformation » du public.

Si quelques-unes de ces dérives sont imputables aux entités politiques qui usent des médias pour manipuler l’opinion publique, la plupart sont inhérentes aux conditions de production de l’information.

Un champ de production médiatique dominé par la télévision

Une des contraintes qui pèsent sur le champ de production médiatique, c’est la domination des médias audiovisuels. Depuis sa montée en puissance dans les années 1960, la télévision n’a cessé de prendre des parts de marché sur le reste de la presse, en particulier la presse écrite. Forte des importants revenus publicitaires qu’elle engrange et de l’étendue de son public, la télévision se positionne comme le média dominant, celui qui influence les autres. Dans le processus de construction de l’actualité, c’est elle qui donne le ton, poussant les autres médias à s’aligner.

Cette domination a bien entendu des conséquences sur le traitement de l’information. Si l’info dominante est télévisuelle, le pouvoir de l’image est considérablement pris en compte. Entre un fait sans grande valeur informationnelle mais très riche en images spectaculaires et un autre plus important mais difficile à illustrer, les médias auront tendance à privilégier le premier. Cette prédominance de l’information imagée s’observe aussi dans la presse écrite et radio quand on fait le choix d’une description minutieuse des faits au détriment de leur analyse.

La course au scoop et à l’audience

La concurrence entre les organes de presse constitue une autre contrainte qui influence la production de l’information. Les médias, en particulier les médias privés, tirant l’essentiel de leurs ressources des revenus publicitaires, doivent produire une information qui plaît au plus grand nombre. Persuadés que le public est demandeur d’un contenu bref et facilement accessible, les journalistes sont amenés à produire des articles de plus en plus courts et aux titres accrocheurs. Encore une fois, une telle information ne peut véhiculer qu’une vision réductrice et caricaturale du monde.


Alors qu'Internet est le lieu par excellence de l'information en temps réel, certains jouent avec succès la carte de l'investigation et du travail de fond.

Mais il ne suffit pas de séduire un large public, il faut également être le premier à donner l’information, à sortir le scoop. Les journalistes sont donc poussés à travailler de plus en plus rapidement et, grâce aux progrès technologiques, les médias peuvent diffuser une information de plus en plus souvent en « temps réel ». L’information est donc de plus en plus dépouillée et de moins en moins analysée et vérifiée. Le développement d’Internet a considérablement accentué cette façon d’informer, même si aujourd’hui, le web est également le théâtre de l’apparition de nouveaux formats qui reviennent à une conception plus consciencieuse et moins commerciale du métier (voir Médiapart, par exemple).

Une profession qui évolue

La presse est en crise. Les restrictions budgétaires qui touchent les organes de presse ont poussé beaucoup d’entre eux à réduire leurs effectifs et tenter d’augmenter la rentabilité des équipes restantes.

Les journalistes sont dès lors poussés à travailler de plus en plus vite, en se basant essentiellement sur les dépêches d’agence ou les articles de la concurrence, n’ayant plus le temps de mener eux-mêmes leurs enquêtes. Ils deviennent également des « hommes-orchestres », devant combiner plusieurs tâches (écriture, photographie, mise en page,…) qui relevaient auparavant de métiers différents.

Ces conditions de travail précarisées permettent évidemment une prise de recul moindre et installent le producteur d’information dans une routine de travail, le nez dans le guidon, propice au recours aux stéréotypes et aux raccourcis simplificateurs.

En conclusion

Les dérives que l’on reproche aux médias sont profondément liées au mode de fonctionnement de ces médias. Mais certaines de ces dérives pourraient également être dues aux exigences du public et seraient donc le fruit de l’évolution de nos propres sociétés. Peut-on dès lors dire qu’on a la presse qu’on mérite et qu’on a le public qu’on se crée ?

En tout cas, si on veut échapper aux pièges de la désinformation et de la « malinformation », il est nécessaire de garder à l’esprit qu’une information n’est jamais qu’une interprétation possible parmi d’autres, qu’elle ne vaut rien sans qu’on y applique chacun un regard critique. Aujourd’hui, Internet permet notamment d’étayer ou de vérifier une info donnée en multipliant les sources et les analyses.


Pour aller plus loin

En théorie :

Sur l’Espace citoyen, voici l’univers des médias expliqué en détails aux jeunes.

En pratique :

Le même Espace citoyen propose également d’approfondir l’approche des médias en offrant un cycle d’animations consacrées à l’écriture journalistique.

L’Association des journalistes professionnels de Belgique propose également l’opération Journalistes en classe qui permet à des journalistes de métier de venir présenter leur profession et ses coulisses dans des classes du secondaire et du supérieur.