Dans le documentaire : « Toutes les traces de son passé ayant brûlé, voici les seuls indices dont je dispose pour commencer cette enquête : une attestation d’arrivée sur le sol belge, datée du 14 avril 1994, ce que j’imagine être une photo d’identité, une date de naissance, février 89, précise à… 3 ans près. Et un nom : Baturana. Un nom qui n’évoque absolument rien à Sylvain. »

Question pour les élèves : Pensez-vous que votre carte d’identité résume qui vous êtes vraiment ?

Lorsqu’on demande à des jeunes ce qu’est l’identité, la plupart du temps ils citent comme réponse la carte qui y est associée. Mais c’est quoi, vraiment, l’identité ?

« Identité » vient du latin idem qui signifie « le même ». L’identité est le « caractère de ce qui est un » et de ce qui reste permanent, c’est-à-dire « identique à soi-même ». On retrouve donc les notions de similitude, d’unité et de continuité.

Ainsi, l’identité est un ensemble articulé de caractéristiques spécifiques à un individu. Elle est unique. L’un de ces traits l’est tout particulièrement, c’est l’empreinte digitale qui garde la même forme tout au long de la vie, preuve de notre identité génétique.

Par exemple, Sylvain est né en 1989, il a les yeux bruns, c’est un homme,… Ce sont ces mêmes traits permanents, qui n’ont pas évolué avec le temps que Rosa, l’ancienne nounou, pense reconnaître lorsqu’elle voit Sylvain et s’exclame : « Je me souviens de lui… avec sa peau très noire ». Ce patrimoine est le fondement de l’identité.


Extrait du documentaire Des Cendres dans la Tête


« On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille »

L’identité d’une personne est dès lors en partie innée et reçue. On ne choisit pas sa date et son lieu de naissance. Cette dimension objective est définie également à partir de critères juridiques et sociaux. Sur le plan légal, l’identité est « le fait pour une personne d’être tel individu et de pouvoir également être reconnu pour tel sans nulle confusion grâce aux éléments qui l’individualisent ». Ces éléments sont notamment le lieu et la date de naissance, le nom, le prénom, ceux des parents également. La plupart de ces éléments sont repris dans un document officiel appelé carte d’identité, ou pièce d’identité, qui peut revêtir différentes formes selon les pays.

La personnalité juridique est attribuée pleinement à la naissance, lors de l’inscription au registre de la population, et prend fin à la mort. Elle confère à l’individu des droits et des devoirs parmi lesquels la reconnaissance de la citoyenneté.

En Belgique, la carte d’identité électronique est délivrée par l’administration communale du lieu de résidence à tous les Belges ayant atteint l’âge de 12 ans. À partir de l’âge de 15 ans, il est obligatoire de la porter sur soi. La pièce d’identité est alors requise dans les situations où l’individu doit justifier qui il est.

Ainsi, la carte d’identité ou le passeport en tant que « papiers » sont les seules traces officielles dont on dispose par rapport à l’identité d’une personne ou du ressortissant d’un pays. Or, à l’instar de nombreuses personnes ayant dû fuir ou quitter leur territoire, Sylvain est arrivé en Belgique sans papiers. Lui et le réalisateur disposent donc de très peu de documents pour recomposer le « puzzle » de sa vie.

Ceux qui, comme les « sans-papiers », n’ont pas accès à cette existence légale éprouvent des difficultés à se définir socialement. Ils doivent s’accommoder d’une identité négative et des sentiments qui en découlent.

Nom et prénom : une valeur symbolique

Traditionnellement, en Belgique, c’est le nom du père qui était transmis à l’enfant. Mais depuis le début de l’année 2014, un débat anime le Parlement concernant la possibilité de laisser les parents choisir le nom du père, de la mère ou des deux parents, dans l'ordre qu'ils déterminent. Cette règle varie selon les pays. C’est le cas en Espagne, où la loi prévoit que le nom du père et celui de la mère soient octroyés. Ce choix n’est pas lié au hasard, sans doute faut-il y voir une corrélation avec les coutumes et les valeurs du pays (égalité des sexes, notamment). Celui-ci peut donc revêtir une signification culturelle. De façon générale, il fournit un certain nombre d’indicateurs sur notre région d’origine, notre lignée, etc.

Si le patronyme est imposé, en revanche, le prénom choisi par les parents à la naissance (ou à l’arrivée dans certains cas d’adoption) sur base de leurs goûts et/ou de traditions est en lien conscient ou inconscient, direct ou indirect, avec la culture. Il permet de singulariser chaque individu tout en affirmant ou non les croyances religieuses des parents, leur appartenance sociale à un groupe, etc.

Chez nous, par exemple, dans certaines familles catholiques, le prénom Marie sera systématiquement choisi pour premier ou deuxième prénom, même pour un garçon, en hommage à la Vierge Marie. Alors que d’autres, à l’inverse, choisissent un prénom peu connoté pour se démarquer de leur groupe d’appartenance, de leurs origines, voire pour ne pas souffrir de discrimination. Ainsi lors d’une adoption, certains adoptants décident de garder le prénom d’origine de l’enfant alors que d’autres préfèrent donner un prénom occidental. C’est d’ailleurs le cas de Sylvain qui ne portait pas ce prénom au Rwanda.

Dans la langue rwandaise, il n’existe pas de mots distincts pour désigner le nom et le prénom, les deux sont appelés « nom ». Par exemple, quand quelqu’un doit remplir un formulaire, il n’est pas marqué « nom » et « prénom » mais « noms ».

Le nom rwandais est rarement un nom de famille, c’est souvent un nom individuel qui en principe revêt les aspirations des parents pour leur enfant : par exemple, « Mutabaruka » signifie celui qui est toujours victorieux, « Mucyo », celui qui est lumineux comme un lever de soleil, « Isimbi » celle qui est rayonnante comme les neiges éternelles qui recouvrent les montagnes.


Tout n’est pas écrit sur la carte

Si l’identité est en partie objective, c’est-à-dire définie à partir de caractéristiques physiques (biologiques), sociales et juridiques assignées à l’individu, celle-ci a aussi une dimension subjective. Elle touche aux représentations et aux sentiments qu’une personne développe à propos d’elle-même (estime de soi, traits de caractère, impression d’appartenance à un groupe, etc.)

L’identité est ainsi un système de représentations et de valeurs qui permet d’affronter les différentes situations rencontrées au cours de sa vie. Elle opère comme un filtre qui facilite le décodage et la compréhension des évènements, puis permet d’y faire face. Ce sentiment d’identité commun à tout être humain est un processus qui s’élabore dès la naissance et qui est en constante évolution.

En conclusion

Si la carte d’identité (ou document officiel équivalent) définit les caractéristiques propres d’un individu à partir de données telles que son nom ou son adresse, en revanche, l’identité d’une personne ne peut se réduire à cet aspect juridique. Il n’y a pas qu’une façon de définir une personne. L’identité n’est pas une norme. À y regarder de plus près, l’identité est une notion éminemment complexe.

Pour aller plus loin

En pratique :

Pour explorer la thématique des prénoms. Donnez à vos étudiants l’occasion d’exprimer quelque chose sur leur nom ou sur leurs prénoms (ceux qui figurent sur la carte d’identité). L’objectif est de leur offrir l’opportunité d’explorer leurs identités respectives, voire développer chacun des aspects de l’estime de soi. Les noms et prénoms ont une histoire, s’interroger sur les origines du nom de famille et sur les raisons qui ont poussé les parents à choisir tel ou tel prénom leur donnera l’occasion de se centrer sur leur identité personnelle, voire sur leur héritage culturel.

Vous trouverez d’autres pistes pour explorer l’identité dans les dossiers pédagogiques « Mes tissages de vie » et « Les conflits » réalisés par la fédération des centres d’information et de documentation pour jeunes de la FWB. Bien qu’ils s’adressent aux jeunes de 16 ans, ceux-ci contiennent plusieurs outils et animations pratiques pertinents sur les questions d’identité.