La période précoloniale

Mawami Kigeri IV Rwabugiri

(mort en 1895) Roi du Ruanda, c’est sous son règne qu’arrivent les premiers explorateurs européens en 1894.

Le saut en hauteur était une discipline en vogue dans le Rwanda précolonial. Les informations qui accompagnent le document annoncent même un saut à 2,20 m

Avant l’époque coloniale, la population rwandaise était structurée en une vingtaine de clans composés d'éleveurs de vaches, les Tutsi, d'agriculteurs, les Hutu et des Twa, chasseurs et artisans. Ces clans étaient pour certains dominés par des Hutu et d'autres par des Tutsi. Un de ces clans, dirigé par un lignage tutsi, dominait tout le pays et son Mwami était à la tête du Rwanda. Le pays était divisé en plusieurs entités territoriales, chaque entité étant dirigée par trois chefs : le chef des troupeaux, le chef des terres et le chef des armées.

Les Hutu, les Tutsi et les Twa parlant la même langue, le Kinyarwanda, ayant les mêmes coutumes et la même foi ancestrale en un dieu unique « Imana », on ne peut donc pas parler d'ethnies différentes au Rwanda selon la définition conventionnelle de ce terme.

La période coloniale

En 1884, lors de la Conférence de Berlin qui définit les règles de partage de l'Afrique entre les nations européennes, le Rwanda est attribué à l’Allemagne. Le comte allemand Gustav Adolf von Götzen sera le premier Européen à traverser le Rwanda et être reçu à la cour du Mwami Kigeri IV Rwabugiri.

Gustav Adolf von Götzen

(1866-1910) Officier allemand et explorateur pour le compte de l’Empire allemand, il fut le premier Européen à traverser le Rwanda dans toute sa longueur. Il y parvint en 1894 et fut reçu par le roi Kigeri IV Rwabugiri.

Plus tard (1923), suite à la défaite de l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale, la Belgique se verra confier l'administration du territoire Ruanda-Urundi par la Société des Nations (ancêtre de l’ONU).

Lorsque les premiers Européens arrivent au Rwanda, ils sont surpris par la sophistication du royaume rwandais, n’imaginant pas que des Africains aient pu mettre au point une structure étatique aussi efficace. Dès lors, se basant sur l’aspect physique de nombreux Tutsi, en général plus grands et plus fins que la majeure partie des Hutu, ils vont interpréter la réalité rwandaise selon l’«hypothèse hamitique». Selon cette dernière, les Hamites, dont les Tutsi seraient issus, descendraient d’une race «caucasienne» provenant de la vallée du Nil, une race supérieure aux autres populations noires de l’Afrique subsaharienne.

Dès lors, les Tutsi seront vus comme faisant partie d’une race plus noble, ressemblant davantage aux Blancs. On va les considérer comme plus intelligents, plus fiables et plus travailleurs que les Hutu qui représentent alors la majeure partie de la population du Rwanda et qui appartiendraient, eux, à la race « Bantou ». Cette volonté de différencier et hiérarchiser la population rwandaise va s’appuyer sur l’anthropométrie, une technique de mesure en vogue à l’époque, visant à classifier les races.

Tout comme les Allemands avant eux, les Belges vont s’appuyer sur le Roi pour gouverner et vont se baser sur une vision de la population rwandaise redéfinie selon des critères ethniques. Ils vont restructurer le pouvoir afin que l’organisation politique du pays corresponde à leur propre vision du Rwanda.

Ils vont notamment supprimer les chefs territoriaux, qui étaient généralement des Hutu, et favoriseront les Tutsi à qui ils confieront des tâches administratives importantes, quoique toujours subalternes. L’administration coloniale réservera également aux Tutsi l’accès aux avantages, notamment à l'enseignement.


Extrait du documentaire Des Cendres dans la Tête


Au Rwanda, la colonisation a été de pair avec l’évangélisation du pays par l’Eglise catholique. La première mission des Pères Blancs fut créée en 1900. Le Roi ayant permis la liberté de culte, les premiers convertis seront les enfants des dignitaires tutsis, dont son propre fils. L’Eglise va également créer des écoles, formant les premiers Rwandais élevés selon le système éducatif des colonisateurs.

Lorsque le Roi, dont le pouvoir est de plus en plus restreint avec le temps, refuse de se convertir, il est rapidement destitué par les Belges et remplacé par son fils, bien plus « conciliant ».

L’instauration des appartenances ethniques comme nouvelle référence identitaire ainsi que l’exclusion du pouvoir de deux ethnies au profit exclusif d’une troisième vont créer des frustrations et des divisions au sein de la population. Des divisions qui vont se cristalliser et se figer en un véritable clivage ethnique, après le recensement national de la population opéré par l’administration belge en 1934.

A l’issue de celui-ci, chaque Rwandais se voit attribuer une carte d’identité mentionnant son appartenance ethnique (Hutu, Tutsi ou Twa).


Vers l’indépendance

Grégoire Kayibanda

(1924-1976) Deuxième président de la République du Rwanda. En 1957, il participe à la rédaction du « Manifeste des Bahutu » et, en 1959, il crée le parti Parmehutu qui devient MDR-Parmehutu en 1960 et remporte les élections communales de 1960. Kayibanda sera chargé de former un gouvernement dont il devient le Premier ministre avec Dominique Mbonyumutwa comme président. Il sera élu président de la République en 1961 et sa présidence prendra fin en 1973 suite au coup d’État de Juvénal Habyarimana.

Après 1945, à l’instar de nombreux pays africains, le Rwanda va réclamer son indépendance. Face aux revendications du Mwami, les colons belges et l’Eglise catholique vont changer leur fusil d’épaule et décider de soutenir les Hutu soudainement considérés comme une majorité opprimée par les Tutsi.

De leur côté, les intellectuels hutus formés sur les bancs de l’Eglise, et à leur tête Grégoire Kayibanda, sont de plus en plus excédés par la domination des Tutsi. Ils vont exprimer leurs revendications dans un texte publié en 1957, intitulé le Manifeste des Bahutu.


Extrait des rushes du documentaire Des Cendres dans la Tête

Ces tensions vont donner naissance à des mouvements politiques. Du côté hutu, le Parmehutu (Parti du Mouvement de l'Emancipation Hutu) et du côté des monarchistes tutsis, l’UNAR (Union Nationale Rwandaise). Lorsque l’UNAR lance un appel à l’indépendance, l’administration belge réagit immédiatement et, avec l’appui de l’Eglise, soutient la mise en place de ce qu’on a appelé « la révolution sociale hutue » menée par le Parmehutu.

Cette révolution sera marquée par le massacre de milliers de Tutsi et le départ massif de nombreux d’entre eux vers les pays voisins.

Suite à cet événement, l’administration coloniale va organiser des élections qui seront remportées par le Parmehutu, renommé MDR-Parmehutu. Son leader, Grégoire Kayibanda, est élu à la présidence de la République en 1961. L’indépendance sera accordée en 1962.


La première République

Juvénal Habyarimana

(1937-1994) Président de la deuxième République du Rwanda. Il prit le pouvoir en 1973, suite à un coup d’État militaire contre Grégoire Kayibanda. À la tête du parti MRND, il gouverna le pays sans partage du pouvoir jusqu’en 1991 où il fut poussé à accepter le multipartisme. Il trouva la mort dans un attentat contre son avion le 6 avril 1994, au-dessus de l‘aéroport de Kigali.

Après l’indépendance du Rwanda, les Tutsi sont définitivement écartés du pouvoir. Quant aux Tutsi exilés, ils vont à plusieurs reprises tenter des incursions armées vers leur terre natale et ces attaques seront systématiquement le prétexte à de violentes répressions sur les Tutsi de l'intérieur du pays. C’est notamment le cas en 1963, où plusieurs milliers de Tutsi sont massacrés.

En 1972, suite à une nouvelle persécution de Tutsi, durant laquelle étudiants et professeurs sont systématiquement expulsés de l'enseignement et, dans certains cas, massacrés dans les établissements scolaires, une nouvelle vague de Tutsi prend la route de l’exode.

Profitant de ce contexte mouvementé, le ministre de la Défense, Juvénal Habyarimana, renverse Grégoire Kayibanda en 1973 et devient le nouveau président du Rwanda.


La deuxième République

Extrait des rushes du documentaire Des Cendres dans la Tête

En 1975, Habyarimana fonde le parti MRND (Mouvement révolutionnaire national pour le Développement) et en 1978, il change la constitution afin que le MRND devienne un parti unique dont tous les Rwandais sont membres d'office.

S’il est accueilli comme un président moins intégriste que son prédécesseur, Habyarimana va néanmoins affirmer la politique des quotas, en vigueur dans l’enseignement, l’administration et le secteur privé et qui, pendant 30 ans, a exclu de l’éducation et de l’emploi de nombreux Tutsi, mais également des Hutu issus d’autres régions que celle du président en place.

Le pays va alors connaître une évolution économique et sociale qui suscitera l’admiration de nombreux bailleurs de fonds étrangers. Le bon développement du Rwanda était souvent cité en exemple. Le Rwanda va notamment nouer des liens étroits avec la France de François Mitterrand.

Vers le milieu des années 80 cependant, les problèmes économiques mondiaux qui touchent les pays pauvres n’épargnent pas le Rwanda, créant l’appauvrissement général de la population et toute une génération de jeunes hommes sans emploi, sans avenir, sans espoir et facilement manipulables.


Au même moment, Habyarimana, comme beaucoup d’autres dictateurs de cette époque, subit des pressions internes et externes qui vont le pousser à accepter une politique multipartite.

Plusieurs partis politiques vont alors voir le jour, menaçant les privilèges dont s’étaient arrogés les proches du Président. Afin de préserver leur contrôle du pays, ils vont se regrouper en un réseau d’intrigues politiques, mercantiles et militaires, appelé « Akazu », qui signifie « la maisonnée».

Pendant ce temps, face au refus du Président de laisser rentrer au pays les réfugiés Tutsi dispersés dans les pays limitrophes, ces derniers créent en 1987 le FPR (Front Patriotique Rwandais), mouvement politique armé, avec pour objectif annoncé de rentrer au pays par la force.


Les années 90

Le 1er octobre 1990, le FPR lance une attaque sur la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda. Durant les trois années que va durer cette guerre, les Tutsi de l’intérieur vont encore faire les frais d’une propagande haineuse, avec notamment le lancement d’un appel à la conscience des Bahutu et à la haine des Tutsi, appelé les « Dix commandements des Bahutu ». Une propagande qui est relayée par une presse extrémiste, en particulier par le bimensuel KanguraRéveille »).

1Tout Hutu doit savoir que la femme tutsie où qu'elle soit, travaille à la solde de son ethnie tutsie. Par conséquent est traître tout Hutu qui épouse une femme tutsie, qui fait d'une tutsie sa concubine, qui fait d'une tutsie sa secrétaire ou sa protégée.

2Tout Hutu doit savoir que nos filles hutues sont plus dignes et plus conscientes dans leur rôle de femme, d'épouse et de mère de famille. Ne sont-elles pas jolies, bonnes secrétaires et plus honnêtes !

3Femmes hutues, soyez vigilantes et ramenez vos maris, vos frères et vos sœurs à la raison.

4Tout Hutu doit savoir que tout Tutsi est malhonnête dans les affaires. Il ne vise que la suprématie de son ethnie.

5Les postes stratégiques tant politiques, administratifs, économiques, militaires et de sécurité doivent être confiés aux Hutu.

6Le secteur de l'enseignement (élèves, étudiants, enseignants) doit être majoritairement hutu.

7Les Forces Armées Rwandaises doivent être exclusivement hutues. L'expérience de la guerre d'octobre nous l'enseigne. Aucun militaire ne doit épouser une Tutsi.

8Les Hutu doivent cesser d'avoir pitié des Tutsi.

9
  • Les Hutu où qu'ils soient, doivent être unis, solidaires et préoccupés du sort de leurs frères hutus.
  • Les Hutu de l'intérieur et de l'extérieur du Rwanda doivent rechercher constamment des amis et des alliés pour la Cause hutue, à commencer par leurs frères bantous.
  • Ils doivent constamment contrecarrer la propagande tutsie.
  • Les Hutu doivent être fermes et vigilants contre leur ennemi commun tutsi.

10La Révolution sociale de 1959, le Référendum de 1961, et l'idéologie hutue, doivent être enseignés à tout Hutu et à tous les niveaux. Tout Hutu doit diffuser largement la présente idéologie. Est traître tout Hutu qui persécutera son frère hutu pour avoir lu, diffusé et enseigné cette idéologie.

Dix commandements des Bahutu

Roméo Dallaire

lieutenant-général et sénateur canadien, il fut le commandant de la Mission des Nations unies pour l'Assistance au Rwanda (MINUAR) en 1994. Profondément marqué par cette expérience, il a écrit un livre dont un film de fiction et un documentaire ont été tirés : J’ai serré la main du Diable

En 1993, les deux belligérants s’entendent pour signer les Accords de paix d’Arusha, formulant les modalités de partage du pouvoir avec l’opposition démocratique et le FPR. Afin de soutenir ces accords, l’ONU décide d’envoyer au Rwanda une mission de maintien de la paix, intitulée Mission des Nations Unies pour l'Assistance au Rwanda (MINUAR). Sous la direction du général canadien Roméo Dallaire, les troupes de Casques bleus sont constituées essentiellement de soldats belges, bangladais et ghanéens.

Les mouvances extrémistes des différents partis politiques vont néanmoins tout mettre en œuvre pour saboter la mise en place de ces accords. À travers une propagande minutieusement relayée par la presse, ils vont planifier le massacre des Tutsi. En créant un climat de peur du Tutsi au sein des populations hutues, ils vont les préparer à exterminer tous les Tutsi, afin que plus jamais les Hutu ne retombent sous leur domination.

C’est également à ce moment que vont être créées les tristement célèbres milices Interahamwe (« ceux qui attaquent ensemble »). Recrutés parmi de jeunes Hutu sans occupation, ces miliciens vont recevoir un entraînement paramilitaire, notamment avec l’assistance de l’armée française, et se rendront coupables des pires horreurs pendant le génocide.