Dans le documentaire : « J’assume ici devant vous la responsabilité de mon pays, des autorités politiques et des militaires belges. Au nom de mon pays, je m’incline devant les victimes du génocide. Et au nom de mon pays, au nom de mon peuple, je vous demande pardon pour ça. »
Questions pour les élèves : Connaissant désormais les responsabilités de la Belgique dans la genèse du génocide des Tutsi, quel comportement pensez-vous que notre pays pourrait adopter aujourd’hui à l’égard du Rwanda ? Dans quel but ? Avec quelles conséquences ? Et vous, que pensez-vous pouvoir faire ?
Depuis 1994, la défaillance de la communauté internationale est au cœur des discours prononcés lors des cérémonies commémoratives au Rwanda. Face à ces constats, plusieurs attitudes sont possibles de la part des États. À la différence de l’histoire, la mémoire n’a pas l’obligation de reproduire les faits de façon exhaustive et « objective ». En fonction d’un certain idéal, les dirigeants décideront de rappeler certains souvenirs lors de leurs discours ou d’en taire d’autres.
La reconnaissance de son passé consiste notamment à assumer officiellement la responsabilité de son État dans un conflit, une guerre, un génocide, une tranche de l’histoire (colonisation ou esclavage, par exemple), etc. Cette reconnaissance va souvent de pair avec la présentation d’excuses lors des discours officiels. C’est ce qu’a fait Guy Verhofstadt, à l’occasion de la 6e commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda, en 2000. Il était alors Premier ministre belge. Il s’est déplacé à Kigali pour assumer devant les victimes du génocide la responsabilité des autorités belges et il a demandé pardon au nom de son pays. Cette démarche représente un pas non négligeable. Plus tard, en 2004, Louis Michel, ministre des Affaires étrangères de l’époque, présentera lui aussi ses excuses au peuple rwandais au nom de la Belgique.
La Belgique, tout comme l’ONU, a donc fait son mea culpa. Cet acte de reconnaissance a eu pour conséquence de relancer la coopération belgo-rwandaise. L’aide offerte par la Belgique a contribué à la reconstruction et au développement du pays. D’autres signes témoignent de cette avancée, tels que le soutien de la Coopération technique belge aux juridictions populaires Gacaca.
Par contre, du côté de la France, qui ne semble pas vouloir raviver cette tache sombre de son histoire, c’est loin d’être le cas. En témoignent les relations diplomatiques fluctuantes et complexes entre Paris et Kigali.
La réparation quant à elle consiste à indemniser matériellement ou financièrement les victimes. Reste à savoir comment évaluer précisément l’ampleur du préjudice. En 2013, par exemple, François Hollande, président de la République française, a évoqué une « impossible réparation » lorsqu’il a adressé une fin de non-recevoir aux demandes des associations qui réclamaient des réparations matérielles pour les profits que la France a tirés de l’esclavage.
L’une des bases légales est pourtant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones adoptée le 13 septembre 2007 par l’Assemblée générale de l’ONU. Celle-ci stipule notamment que « les peuples autochtones privés de leurs moyens de subsistance et de développement ont droit à une indemnisation juste et équitable ».
En conclusion
À chaque épisode sombre de l’histoire (esclavagisme, colonialisme, massacres, génocides…), les peuples concernés, et plus largement la communauté internationale, ont été confrontés aux mêmes défis, aux mêmes tensions : établir les différentes responsabilités, sanctionner les auteurs, permettre aux populations de cohabiter dans le respect des uns et des autres, redonner du sens au vivre ensemble, reconstruire un « après », etc.
Un processus qui dépasse donc les « simples » excuses et nécessite de la part de tous les acteurs une grande détermination, de l’humilité et une certaine lucidité. Une des conditions nécessaires pour construire un avenir serein et assurer la paix pour les générations futures. Au Rwanda et partout ailleurs dans le monde. Car, si la reconnaissance des erreurs du passé revêt une valeur hautement symbolique, sa portée va aussi bien au-delà. Par son implication dans l’ici et maintenant, un génocide n’est pas un épisode que l’on peut jeter aux oubliettes de l’histoire. L’exigence de vérité qui en découle ne concerne pas seulement les États mais aussi les citoyens.
Au Rwanda comme ailleurs, le passé est parfois lourd de conséquences et les traces qu’il laisse sont indélébiles. Le pardon n’a de raison d’être que si les citoyens s’emparent de ces réalités historiques, leur accordent la valeur qu’elles méritent, se les approprient, les interrogent et les mettent en corrélation avec le monde dans lequel ils vivent pour exiger de nos décideurs une éthique, un sens de l’intérêt commun et faire évoluer le débat démocratique.